Marcel Bonniot nous a quittés


Marcel Bonniot était originaire de Mensac (commune de Creyers à ce moment-là).

Il a vu le jour à Creyers le 2 juillet 1922. Après des études à Die à l'École Primaire Supérieure et Professionnelle de Die, il intègre l'École Normale à Valence.

La Résistance

À l’époque, l’admission se faisait à l’âge de 18 ans, mais Marcel Bonniot passera le concours d’entrée à 17, en juillet 1939. Ils étaient six avec lui à venir du Diois, sur une promotion de 16 élèves. Cette promotion sera d’ailleurs la dernière de la troisième République. Avec l'entrée en guerre, les bâtiments de l’École Normale de Valence ont été transformés en hôpital militaire et les élèves ont déménagé à l’école primaire supérieure de Valence. À la fin de l’année, l’École Normale sera supprimée par le maréchal Pétain et remplacée par l’Institut de formation professionnelle. Il passera le brevet en un an, comme l'ensemble de cette promotion, faisant ses classes d’application à Saillans et Espenel, puis à l’école d’Agriculture à Cibeins dans l’Ain. Un stage d’éducation physique et sportive d’un mois au Lycée Carnot de Cannes, lui permettra, cet été-là, de découvrir la mer et d'apprendre à nager.

Le 1er octobre 1942, Marcel Bonniot obtient son premier poste à l'école de Grimone. "Quand je suis arrivé là-haut, je me suis aperçu que je n’avais qu’une seule élève" racontait-il dans Écoles en Diois, témoignage recueilli par Hervé Bienfait. Un mois après son arrivée, Marcel Bonniot apprend qu’il doit rejoindre les Chantiers de Jeunesse début novembre. Il arrivera, quand même à passer son CAP à Glandage avant de partir fin novembre. Il raconte cet épisode dans le récit cité plus haut.

Fin novembre, l'ensemble des jeunes Drômois partent en Chantier de Jeunesse au Muy dans le Var. Fin mars 1943 le chantier de Jeunesse s’est replié à Manosque, en attendant le départ pour le STO (Service du travail obligatoire en Allemagne) de la classe 22. "Cette dérisoire armée de grands boy-scouts par son climat idéologique à la dévotion de Pétain, ne nous convenait guère" expliquait l'un de ses camarades de classe."

 

Marcel Bonniot obtient de son chef une permission officieuse pour repartir chez lui dans la Drôme. Il entre alors dans la clandestinité. Il expliquait 

« À partir du mois de mai 1943, je suis entré en clandestinité. La Résistance commençait à s’organiser. Augustin Cayol, l’imprimeur, ainsi qu’Elie Brochier, fournissaient déjà de fausses cartes d’identité. On partait alors s’installer dans des fermes, dans d’autres coins de la région, pour ne pas être reconnu des voisins. C’est ainsi que je suis allé travailler chez un paysan d’Eygluy, près de Beaufort-sur-Gervanne ».

De là en 1944, il rejoint la Compagnie Morin, du nom de leur capitaine, maire de Beaufort qui commande la 9e Cie FFI du Sud Vercors. 

Après le débarquement de Provence du 15 août 1944, la Cie Morin descend de la Gervanne vers la plaine de Chabeuil et participe à la Libération de Valence le 31 août. 

Marcel Bonniot poursuivra son engagement volontaire en septembre octobre au sein au 159e R.T.A (régiment d'infanterie Alpine). Son unité est  envoyée en Maurienne, en bas du Col du Mont-Cenis, puis avec ses camarades, ils participent dans le 1ère armée du Maréchal de Lattre de Tassigny à la défense de Strasbourg.

En avril 1945, l'unité retourne en Maurienne. Ils fêteront la victoire à Suza avec nombre d’Italiens et d’Italiennes. Deux mois plus tard, il fera partie avec son unité du 159e RIA du défilé à la fête du 14 juillet de la Libération de Paris, devant le Général de Gaulle. En août, son unité est envoyée en occupation, à Vienne en Autriche. Il sera démobilisé en novembre 1945. 

L'instit'

À peine arrivé, l’Inspection d’Académie lui annonce sa nomination comme enseignant d'une classe unique à Saint-Ferréol-Trente-Pas. Il doit prendre son poste le 1er décembre. Rapidement, il se fait apprécier de la population et devient maire en 1947 de ce petit village du Nyonsais. Il le restera jusqu'en 1955.

Il gardera toujours un attachement particulier à ce premier poste et ce village, où il s’était marié avec Paulette et où naquirent ses enfants.

En 1955, on lui propose un poste à l’école primaire des garçons de Chabestan à Die, en lien avec la Fédération des Œuvres Laïques (FOL), pour animer des activités de sport et de plein air le jeudi ou le dimanche après-midi (le jour de congé hebdomadaire), Aujourd'hui on parlerait de périscolaire. En 1959, il est nommé comme professeur d’enseignement général au Collège de Die. Il exercera pendant six ans. La qualité de son enseignement est remarquée et il termine sa carrière comme conseiller pédagogique pour le primaire auprès de l'Inspection Départementale de l'Éducation Nationale.

 

La gestion des affaires publiques 

En revenant à Die, il a aussi poursuivi son goût pour la gestion des affaires publiques. C'est au côté de Maurice Vérillon qu'il est élu conseiller municipal en 1959. Il fera avec lui deux mandats et demi et en 1963, il en deviendra l'un des adjoints.

Alors que Maurice Vérillon décide de quitter les affaires publiques, il confiera à Marcel Bonniot le soin de lui succéder. Marcel Bonniot devient maire de Die en mars 1974. Il est réélu en 1977, puis 1983.

Aux élections législatives de 1977, Marcel Bonniot est élu député suppléant du député socialiste Rodolphe Pesce. En mars 1979, il se présente aux élections cantonales sous les couleurs du Parti Socialiste, ce sera sa seule défaite électorale.

Convaincu de la nécessité de la collaboration intercommunale, il est l'un des fondateurs en mars 1974 du Syndicat d'Aménagement du Diois (ancêtre de la Communauté des Communes du Diois) dont il prend la présidence jusqu'en 1993, date à laquelle Charles Monge lui succède. Dans le même esprit, il avait fondé en 1987, le groupement des communes forestières de la Drôme.

Son ami Marcel Barnier (ancien maire de Molières), après son départ de la mairie de Die en 1989, rappelait dans nos colonnes, les qualités humaines de Marcel Bonniot : "Les Diois se sont aperçus, bien sûr, de sa grande capacité de travail, mais ce qu'ils connaissent probablement moins, ce sont ses qualités humaines. La première qui se manifeste à tout moment est la rigueur : ni démagogie, ni tricheur, ni bluffeur, il suit la ligne droite, sans concession ni compromission et l'on a parfois confondu ce comportement avec une fierté ou un manque de chaleur dans ses relations. Son entourage et les élus qui ont travaillé avec lui savent que cette interprétation est fausse et qu'au contraire, pour qui le connaît bien ; il n'y a pas homme plus généreux et plus compréhensif. Les critiques qu'il a pu endosser - un élu est exposé à tout moment au dénigrement et aux rumeurs - il faisait semblant de les ignorer en se protégeant avec son bouclier favori : La dignité en toutes circonstances. Cette attitude confortait son autorité naturelle. On notera aussi la fidélité à ses convictions, toujours prêt à lutter pour plus d'égalité et de justice, mais il a toujours fait passer les intérêts de la collectivité avant les jeux politiciens."

Ceux qui ont été à ses côtés dans son équipe municipale évoquaient “un homme "distingué, jeune d'esprit, gai, scrupuleux, cultivé, une mémoire des chiffres et de faits sans défaillance, bourreau de travail, homme sensible, secret, personnel".

Lorsque nous questionnons les Diois aujourd'hui, ils évoquent son dévouement, sa compétence, sa droiture, son honnêteté. Ceux qui ont travaillé à ses côtés, parlent de son énorme capacité de travail, son sens de l'intérêt général, la force de ses convictions.

 

Sous ses mandatures, la ville de Die a pris de l'ampleur, notamment en termes d'urbanisme avec les constructions du hameau de Plas, la Tour de l'Aure, la résidence du Fifre…

Il aura également mis en œuvre le premier Plan d'Occupation des Sols de Die en 1984. Ce ne fut pas une mince affaire et qui lui vaudra de nombreuses inimitiés, notamment de la part de certains propriétaires dont les terrains, avec la nouvelle réglementation nationale, n'étaient plus constructibles.

Son action, à la tête de la municipalité dioise aura été marquée par de nombreuses réalisations dont les plus importantes sont la restructuration et la modernisation du Centre Hospitalier en 1982, la construction de la salle polyvalente, la construction de l'école maternelle et du restaurant scolaire, l'extension du Lycée du Diois, la réalisation de la station de pompage du Pont des chaînes pour renforcer le réseau d'eau de Die, la construction des  garages des sapeurs pompiers quartier de Meyrosse, l'acquisition du nouveau cimetière de Chandillon, la construction des stades du Gymnase et de Cocause, les terrains de Tennis. Sur le plan du Tourisme, outre l'extension du Pavillon du Tourisme (qui aujourd'hui a été détruit), l'extension du camping municipal, il aura mené à bien la construction du VVF. 

La ville de Die lui doit aussi la rénovation des rues Armellerie, Émile Laurens et l'aménagement de la rue Camille Buffardel.

Sous sa mandature, la Maison des jeunes installée dans des préfabriqués près du gymnase trouve des locaux plus confortables au rez-de-chaussée de la salle polyvalente. Du côté de la culture, on lui doit la création d'une école de musique municipale. La bibliothèque de Die se développe ce qui permettra d'amorcer le projet de la médiathèque qui ouvrira en 1988 dans de nouveaux locaux. Le cinéma le Pestel est rénové et rouvre en 1985.

C'est sous sa mandature également que les communes qui alors étaient sous la coupe administrative de l'État, acquièrent davantage d'autonomie. La décentralisation de 1982 est passée par là.

 

Du côté associatif, Marcel Bonniot s'est également beaucoup investi. Président de la Caisse d'Épargne, de l'association des Amis de l'École Laïque (gestion du Centre de vacances de Fabrègas), du Syndicat Mixte du Col de Rousset, de Diois-Jumelages (1990-1995), il était investi ses dernières années dans les associations patriotiques (la Cie Morin, Rhin-et-Danube). Le 8 mai, c'est lui qui lisait lors de la cérémonie l'ordre du jour du 8 mai 1945, mettant fin à la seconde guerre mondiale.

Ce samedi 11 novembre 2017, il était d'ailleurs, toujours fidèle à ce rendez-vous, il était aux côtés de Gilbert Achard, son camarade de la Cie Morin, devant le Monument aux morts de Die pour déposer une gerbe de fleurs au nom du Comité d'Entente.

Ses dernières années, Marcel Bonniot s'était plongé avec beaucoup d'enthousiasme dans la vie et les réalisations de ces prédécesseurs, à travers les archives de la ville de Die. Il avait écrit une série d'articles dans nos colonnes et dans les Chroniques du Diois sur l'histoire des maires de Die du XIXe siècle et du début du XXe siècle.

Ses mérites reconnus, lui ont valu de nombreuses distinctions : chevalier des Palmes Académiques, Chevalier du mérite agricole, médaille d'argent de la Jeunesse et Sports, Médaille d'or d'Honneur Régionale Départementale et Communale, Chevalier de la Légion d'Honneur.

Avec la disparition de Marcel Bonniot, c'est une certaine époque qui s'en va, un témoin de la Résistance, un ancien instituteur fervent défenseur de la laïcité, un témoin de la vie municipale Dioise du XXe siècle.

 

 

À son épouse, ses enfants, l'ensemble de ses proches, nous adressons notre plus vive sympathie.

Les obsèques de Marcel Bonniot auront lieu ce lundi 27 novembre à 15h en la cathédrale de Die.

 

                                                                                                        SLC

Marcel Bonniot lors de cérémonies à Die.

 

Lors des cérémonies du 8 mai, Marcel Bonniot lisait l'ordre du jour n°9, adressé à la première armée française par De Lattre de Tassigny le 8 mai 1945, concernant la capitulation de l'armée allemande

 

Marcel Bonniot, Gilbert Achard, deux anciens de la Cie Morin déposaient les gerbes de fleurs au nom de Rhin et Danube

 

Ce 11 novembre 2017, toujours aux côtés de Gilbert Achard, ils avaient déposé une gerbe au nom du Comité d'Entente

 

Lors d'une inauguration des travaux de rénovation à Fabrégas en 2011

 

Marcel Bonniot au coté de Dr Abel qui fut comme lui adjoint de Maurice Vérillon